Planète libre Essais (CNRS éditions)
Jean-Joseph Rabearivelo. Une biographieÉssai critique et biographique de Claire Riffard, collection « Planète Libre Essais », CNRS éditions, 368 p., novembre 2022.
Jean-Joseph Rabearivelo l'avait prédit : « On s'intéressera, plus tard, terriblement à moi - ne serait-ce que parce que j'aurai été un fameux précurseur ! Une petite manière de vengeance sur ce siècle - sur ce temps - sans foi et ingrat. Le mien. J'aurai ma légende. Une légende qui sera à souhait grossie et, à... [Lire la suite]
Éssai critique et biographique de Claire Riffard, collection « Planète Libre Essais », CNRS éditions, 368 p., novembre 2022.
Jean-Joseph Rabearivelo l'avait prédit : « On s'intéressera, plus tard, terriblement à moi - ne serait-ce que parce que j'aurai été un fameux précurseur ! Une petite manière de vengeance sur ce siècle - sur ce temps - sans foi et ingrat. Le mien. J'aurai ma légende. Une légende qui sera à souhait grossie et, à souhait aussi, à grands coups d'érudition, ramenée à ses justes proportions... »
Le poète, disparu en 1937, avait vu juste : on s'intéresse en effet de plus en plus à lui.
Son image a longtemps été limitée à une photographie sépia, quelques poèmes et une fin tragique, son suicide au cyanure à 34 ans. À rebours de cette figure d'écrivain maudit qui a dominé tout le siècle dernier, l'étude ici menée rend compte des recherches récentes dans les archives du poète. On y découvre une œuvre considérable, écrite à l'interface entre langue malgache et langue française, sortie de l'ombre où elle avait été longtemps conservée. Et un joyau : le journal des cinq dernières années de la vie du poète, ses Calepins bleus, sa « vie écrite ».
Le récit biographique proposé par Claire Riffard s'appuie sur ce journal intime, mais aussi sur les autres manuscrits de l'écrivain, qui permettent d'accéder à la genèse de son écriture. Elle retrace le parcours d'un jeune homme dans sa ville, Tananarive, qu'il n'a presque jamais quittée, et l'itinéraire d'un artiste à la croisée des mondes. Comment survivre aux contradictions qui furent celles de Rabearivelo en pleine période coloniale ? Sommé de choisir entre son amour passionné pour la littérature étrangère et sa fidélité radicale « à la terre et aux morts » de Madagascar, il refuse d'obtempérer. De ce refus naît une œuvre immense.
Sony Labou Tansi. Naissance d’un écrivain Éssai critique et biographique de Céline Gahungu, collection « Planète Libre Essais », CNRS éditions, 288 p., janvier 2019
Qui est Sony Labou Tansi ? Celui que l’on considère aujourd’hui comme l’un des plus grands auteurs africains d’expression française n’est pas né en un jour. Il lui a fallu s’imaginer, se fabriquer, se faire connaître et reconnaître par un Congo en proie aux convulsions de l’Histoire. Tout s’est décidé pour lui à la fin des années 1960, quand son goût de l’expérience créatrice s’est changé en un besoin, toujours plus... [Lire la suite]
Éssai critique et biographique de Céline Gahungu, collection « Planète Libre Essais », CNRS éditions, 288 p., janvier 2019
Qui est Sony Labou Tansi ? Celui que l’on considère aujourd’hui comme l’un des plus grands auteurs africains d’expression française n’est pas né en un jour. Il lui a fallu s’imaginer, se fabriquer, se faire connaître et reconnaître par un Congo en proie aux convulsions de l’Histoire. Tout s’est décidé pour lui à la fin des années 1960, quand son goût de l’expérience créatrice s’est changé en un besoin, toujours plus impérieux, de construire son propre univers, dense et homogène. L’anonyme Marcel Ntsoni invente la figure flamboyante de Sony Labou Tansi, écrivain explosif qui, en marge de l’ordre littéraire, ne craint rien ni personne, dans son projet hyperbolique de fonder une nouvelle littérature. Entre les coups d’État et les fièvres révolutionnaires, le Congo a beau traverser des tempêtes, l’apprenti grand écrivain ne désarme pas. La société devient paroxystique ? À l’écriture d’aller plus loin encore en lui administrant son paroxysme à elle, jusqu’à faire voler en éclats ses normes et ses institutions.
Scénarios existentiels et fictions compensatoires aident le jeune Sony à modeler son œuvre et son identité, mais l’exposent aussi à de multiples contradictions : affirmer publiquement son statut d’écrivain et assouvir sa haine du régime au pouvoir ; s’attaquer à une France taxée de néocolonialisme et tenter d’y diffuser ses écrits ; démolir les figures d’autorité et partir en quête de conseillers, d’intercesseurs et de pères littéraires.
Pour l’essentiel inédits, les premiers écrits donnent l’image d’une création débondée, véritable geyser de lave, de boue et de sang. Dans l’espace privé des manuscrits, tout peut se dire, des folies les plus intimes aux visions les plus impitoyables. Vivre l’écriture comme le seul absolu, au-delà des tabous, telle est l’expérience hors norme sur laquelle Sony Labou Tansi cherche à édifier la destinée qu’il s’est choisi : devenir écrivain, au sens radical du terme, c’est-à-dire démiurge.
Les soleils des indépendances d'Ahmadou Kourouma : une longue genèsepour collection « Planète Libre Essais », CNRS éditions, 260 p., décembre 2017
Les Soleils des indépendances d'Ahmadou Kourouma est l'un des romans
les plus marquants de la littérature africaine d'expression française
du XXe siècle. Célébré par la critique dès sa publication, le roman a
connu un immense succès qui ne s'est jamais démenti, en raison des qualités
formelles de son écriture et de la puissance du récit. Mais c'est aussi une
oeuvre qui fait débat, en raison de la dimension politique de son propos :
le récit dresse un réquisitoire sans concession... [Lire la suite]
pour collection « Planète Libre Essais », CNRS éditions, 260 p., décembre 2017
Les Soleils des indépendances d'Ahmadou Kourouma est l'un des romans
les plus marquants de la littérature africaine d'expression française
du XXe siècle. Célébré par la critique dès sa publication, le roman a
connu un immense succès qui ne s'est jamais démenti, en raison des qualités
formelles de son écriture et de la puissance du récit. Mais c'est aussi une
oeuvre qui fait débat, en raison de la dimension politique de son propos :
le récit dresse un réquisitoire sans concession de la société et de la
gouvernance ivoiriennes dans la période de la post-indépendance.
Kourouma n'est pas un simple chroniqueur. Ses ambitions dépassent
le cadre conjoncturel dans lequel on a pu vouloir l'enfermer. Optant pour
un style résolument hybride et une parole affranchie de toute langue de bois,
il mise sur une nouvelle esthétique romanesque qui rend solidaires culture
et langue, et qui multiplie les innovations au risque de bousculer la tradition
écrite française.
Ses audaces, tant linguistiques que politiques, enchantent beaucoup de
lecteurs mais en dérangent aussi beaucoup d'autres. Voilà pourquoi, en dépit
de ses allures de chef-d'oeuvre, le texte a connu de si graves difficultés avant
de pouvoir paraître. Refusé par les éditeurs français, publié initialement au
Canada mais moyennant des révisions imposées à l'auteur, Les Soleils des
indépendances est une oeuvre qui méritait plus que tout autre d'être relue
à la lumière de son parcours génétique.
C'est ce que nous proposent les contributions rassemblées dans ce
volume : plonger dans l'histoire du texte à la fois pour comprendre la genèse
conflictuelle de l'oeuvre, la nouvelle poétique romanesque qu'elle invente
et la difficile émergence d'un créateur qui compte désormais parmi
les grands écrivains contemporains.